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Jean-Marie Straub, Danièle Huillet

Je parlais des années vingt pas de la DDR.

 

JMS : Les querelles des années vingt, ce n’est pas très grave, ce sont des querelles d’amitié. Eisler a récusé la “musique savante” de son maître et Schönberg conseillait à Eisler de faire moins de politique et de plus s’occuper de musique. Il en a dit de plus vertes — dans sa lettre à Kandinsky par exemple —, qu’on a enlevées dans notre film.

Mais Schönberg flirtait aussi avec des socialistes à Vienne, comme Kafka. D’ailleurs Benjamin a dit un jour à Brecht que le grand écrivain socialiste c’était Kafka et que lui il était un écrivain catholique. C’est pas bête du tout à partir du moment où on ne met pas de mépris dans l’expression “écrivain catholique”.

 

Est-ce que ce serait à rapprocher de ce que tu appelais le “catholicisme” de Rossellini, dans un article ancien ?

 

JMS : On fait tous des erreur de jeunesse. De toute façon même cela a été censuré parce qu’on ne pouvait pas dire “catholique” pour Radio-Cinéma-Télévision, c’est devenu “cinéaste chrétien” : il ne fallait surtout pas dire qu’il était catholique parce que cela mettait en cause le catholicisme. Je disais cela parce qu’il avait fait Jeanne au bûcher, c’est tout. Mais au fond Rossellini n’était pas du tout un cinéaste catholique, c’était un cinéaste voltairien qui flirtait avec l’idéologie de la Démocratie chrétienne et faisait de la propagande pour De Gasperi. J’ai donc eu tort d’écrire ça et ils ont peut-être eu raison de le censurer…

Disons que Brecht était intéressé à l’idée d’édification morale…

DH : Kafka, lui ne l’était pas !

JMS : …c’est très clair dans l’une de ses pièces les plus fortes, Sainte Jeanne des Abattoirs. Là, c’est la pratique de toutes les vertus chrétiennes, y compris la résignation, la charité et le reste, avant de découvrir, comme le dit Johanna que « Es hilft nur Gewalt wo Gewalt herrscht » (seule la violence aide où la violence règne). Elle en a marre…

Alors le cinéaste politique, quitte à être un peu prétentieux, c’est celui qui termine un film en disant : « faucille et marteau, canons, canons, dynamite ! »

C’est là qu’on en est, il n’y a plus d’autres solutions, il ne faut pas avoir peur de le dire. Mais ça, quand cela se produira, ça coûtera cher.