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Jean-Marie Straub, Danièle Huillet

J’ai été frappé quand j’ai été amnistié, les premiers films que j’ai vus en France, au bout de onze ans, c’était par exemple la Bête humaine, à Chaillot. C’était déjà le moment où il n’y avait plus que des étudiants dans la salle, les collègues ne venaient plus ou à peu près, et les bourgeois cultivés non plus, c’étaient donc des étudiants plus ou moins prolongés et ils ricanaient, quand Renoir arrivait, sur sa façon de jouer, ils ricanaient là-dessus et je me suis dit : « Nom de dieu! il n’y a pas grand’chose de changé », parce que, après “La Chambre noire”, mon ciné-club à Metz, j’avais un petit ciné-club 16mm à Nancy à la fac, avec deux films par mois, et quand on montrait les Dames du Bois de Boulogne, les mecs ricanaient tout le temps jusqu’à ce qu’on les engueule. Même à Soupçons de Hitchcock ou Give us this Day de Dmytryck.

 

Propos recueillis à Paris, le 19 mars 2001 par François Albera

 

 

1 Cet entretien a été réalisé à Paris, le 19 mars 2001, à la demande du Centre Georges-Pompidou pour figurer dans une publication consacrée au thème « Cinéma et politique » (série de films de 1968 et après, films militants, ciné-tracts, etc., table-ronde avec les revues qui furent liées à cette période – Cahiers du cinéma, Cinéthique, Filmkritik, Cinema e film…– prévus pour juin-juillet 2001). La responsable de cette manifestation était Sylvie Astrik. Cependant la responsable du cycle et la direction de la BPI du Centre Pompidou (alors Gérald Grunberg) exigèrent des coupures de plusieurs ordres dans le texte de l’entretien. En particulier pour ce qui touchait aux critiques de J-L. Comolli et de Dario Fo et sur le rapprochement établi entre l’extermination industrielle des animaux et le génocide juif. Jean-Marie Straub et Danièle Huillet refusèrent toute censure de propos qu’ils avaient énoncés, relus et qu’ils assumaient. Le texte fut donc refusé par l’institution qui l’avait sollicité. Jacques Rancière renonça à participer à la publication ainsi que Jean-André Fieschi mais un livre parut par les soins de la BPI sous le titre Cinéma et politique. 1956-1970. Les années Pop, avec des contributions de Jean Narboni, Jean-Louis Comolli et Gérard Leblanc. L’entretien trouva accueil dans la revue Hors Champ d’août 2001 qui le mit en vente lors du festival de Locarno. Il suscita une série de rumeurs au sujet de « l’antisémitisme » des Straub qui firent brièvement surface dans un article de Libération signé Olivier Séguret, auquel le journal refusa tout « droit de réponse ». Les lettres (signées Louis Seguin, Anne-Marie Faux et François Albera) parurent dans le n°7 de Hors Champ (automne-hiver 2001-2).