Entretien avec François Albera
JMS : Pour commencer, il faut dire que la conjonction “et” c’est toujours de la connerie : cinéma et histoire, cinéma et littérature, cinéma et musique, tout ça c’est la fin du monde, la faillite intellectuelle…
Maintenant, quant au cinéma politique : je ne sais vraiment pas ce que c’est, je le sais de moins en moins et j’espère bien que je ne le saurai jamais : c’est la première chose.
Deuxièmement : — laissons le cinéma — il n’y a pas de film politique sans morale, il n’y a pas de film politique sans théologie, il n’y a pas de film politique sans mystique.
Qu’est-ce que ça veut dire ? Eh bien, par exemple, que la musique d’Anton Webern est plus politique que celle d’Alban Berg, que la musique d’Arnold Schönberg est plus politique que celle d’Alban Berg, que la musique de Hanns Eisler est beaucoup plus politique que celle de Kurt Weill. Et, pour parler de nos toutes dernières expériences, ça veut dire qu’un film comme Fury de Fritz Lang est bien plus politique que M, contrairement à ce qu’ont dit tous les gens de gauche sur la montée du nazisme dans M et dans Mabuse. Ç’a pu avoir de l’intérêt pour des gens comme Sadoul à un moment donné mais il ne sert à rien de répéter cela comme des ânes…
Ça veut dire qu’Un Roi à New York est un grand film politique.
Pas de film politique sans morale, pas de film politique sans théologie, pas de film politique sans mystique.
Ça veut dire aussi — si on veut soutenir ce paradoxe qui n’en est d’ailleurs pas vraiment un, disons plutôt : une provocation —, que nos trois films les plus politiques à nous, c’est le Fiancé, la comédienne et le maquereau, Chronique d’Anna Magdalena Bach et Moïse et Aaron.