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Benoît Turquety

Huillet et Straub construisent leurs films citant toujours quelque chose (quelque chose : le langage fait matière), et ils mirent en exergue de leur premier long métrage Non réconciliés (1965) Brecht : « « Au lieu de vouloir créer l’impression qu’il improvise, l’acteur devrait plutôt montrer ce qui est la vérité : il cite. » L’auteur se trouve ainsi dissous en quelque chose que traverse l’histoire. 

 

(Adorno, « Portrait de Walter Benjamin » (1950) : « Couronnement de son antisubjectivisme, son œuvre principale ne devait se composer que de citations.18 »)

 

Ils usent de formes organisées en stratigraphies de couches superposées quasi-indépendantes : chez Zukofsky, un texte de Marx et Spinoza organisé par une structure de rimes créée par Guido Cavalcanti ; chez Huillet et Straub un texte d’origine ré-objectivé par une structure solide de césures comptées, puis un découpage (organisation des plans et des coupes).

 

Le solide est une obsession objectiviste.

 

Ils usent de modes d’agencement des œuvres nommés différemment, « suite discrète » pour Oppen, « récitatif » pour Reznikoff, « fugue » pour Zukofsky, mais travaillant toujours intensément un principe d’interruption ou brisure (partie brisée, pli par charnières), et s’arrangeant par apposition plutôt que de manière hiérarchisée, avec un haut niveau de déconnexion entre les parties. Tout « A » de Zukofsky et chacun de ses mouvements, tout Testimony, tout Oppen mais surtout et paradigmatiquement le premier (Discrete Series, 1934) et le dernier (Primitive, 1978). Chacun des points de montage de Huillet et Straub mais par exemple Le Fiancé, la comédienne et le maquereau (1968), où trois parties se succèdent (un long plan en voiture dans les rues de Munich la nuit, des prostituées se devinant ; une représentation « condensée » du Mal de la jeunesse de Ferdinand Bruckner ; un « film noir » où une fiancée tue son maquereau) dont le rapport n’est pas mystérieux, mais opaque ; ou Introduction à la « Musique d’accompagnement pour une scène de film » d’Arnold Schoenberg (1972), construit exactement à la manière d’un idéogramme au sens de Pound et Eisenstein, procédant par juxtaposition d’éléments concrets hétérogènes.