« Plutôt que de prendre la parole, j’aurais voulu être enveloppé par elle et porté bien au-delà de tout commencement possible. J’aurais aimé m’apercevoir qu’au moment de parler une voix sans nom me précédait depuis longtemps : il m’aurait suffi alors d’enchaîner, de poursuivre la phrase, de me loger sans qu’on y prenne bien garde dans ses interstices, comme si elle m’avait fait un signe, en se tenant, un instant, en suspens7. »
Entre silences, écran noir, images du paysage, mouvements du paysage, sons discrets, peu perceptibles du vent et de l’eau, il fait naître des éléments sensibles qu’aucune inscription ne peut traduire ; (ce que le texte porte en secret ?)
Ici la voix porte le récit. Le silence et les bruits presque imperceptibles composent la symphonie d’un lieu qui échappe à toute référence.
Cette confrontation entre le son, l’image aveugle et l’image en mouvement fait surgir l’île comme un chant de la terre. Jean Bricard n’est plus le héros du récit qu’il porte, il est la présence même d’un récit dans un lieu.
Le son et la parole font écho avec ce qu’ils touchent et traversent. Le frissonnement sonore de la terre qui fait surgir un sens inaliénable parce qu’inattendu.
Le film a été réalisé Treize ans après Itinéraire de Jean Bricard.
Lors du repérage, je ne pouvais répondre à l’exigence topographique de Jean-Marie.
Je ne savais sous quel arbre, exactement, telle phrase avait été prononcée.
J’ai pour plusieurs raisons vécu ce retour sur les lieux comme un recommencement.
Danièle Huillet et Jean-Marie Straub ont attendu plusieurs années pour me contacter et revenir sur le terrain.
Après la mort de Jean Bricard, j’ai tenté de retrouver l’émotion première du récit, en écoutant les personnes proches, sa femme, ses amis…
L’un d’eux m’a fait retrouver les lieux d’un parcours, en partie oubliés.