fermer le pop-up
Jean-Yves Petiteau

Sandrine Bridier, a participé au repérage de l’île avant l’automne 2007, et nous avons ensemble assisté au tournage ; ce que nous avons l’un et l’autre ressenti là où nous étions ne peut s’exprimer qu’à partir des échanges spontanés où nous partagions à la fois le sentiment d’être fasciné, en attente et souvent inutile :

 

les choses s’étaient passées assez simplement. Jean-Marie Straub avait demandé quelques images pour évaluer le niveau d’eau de la Loire et nous avions filé vers Paris 17 éme pour le rencontrer et en parler.

 

Nous n’avions pas vraiment eu le temps d’être intimidés, mais quand on arrivait chez lui, tout devenait autrement. Aucune envie de déverser des paroles inutiles, sa présence et sa gestuelle captaient toute notre attention. Marcher, aller de la fenêtre à la table, s’asseoir, caresser un des chats, se lever encore, regarder par la fenêtre, rallumer son cigare et puis entre, dire quelque chose, répondre à une question, regarder en coin.

Nous n’étions ni l’un ni l’autre des cinéphiles avertis, nous aimions ses films pour leur engagement et leur sensibilité radicale, donc pas de question subtile à poser, juste être là.

Nous avons fait avec lui un tour dans son quartier, le pressing, un café, il montrait la rue où avait vécu Verlaine, l’autre où Truffaut avait tourné un plan des ‘ 400 coups », c’était cela qui importait.

Nous ne savions pas ce qu’il voulait faire à l’île Coton et nous ne demandions pas, nous répondions aux questions.

Presque toute l’équipe était venue quelque temps après pour le repérage.

C’était difficile de trouver une place confortable, nous ne savions pas toujours pourquoi on était là mais dans cet inconfort il y avait quelque chose de drôle, d’inattendu, quelque chose qui nous faisait apprendre un peu de ce qu’il y avait dans ces films qu’on aimait.

On ne savait rien, on était là pour presque rien, on regardait les choses se monter peu à peu sans aucune idée de ce que ce film allait être.

La pluie, le froid, le temps pris pour chaque plan, l’exigence absolue de fidélité au texte, l’attente qu’un nuage passe pour avoir plus de lumière. La beauté sauvage de l’île en hiver.

La tension, aucune déperdition d’énergie et de concentration. Et nous, en tenant un drap pour protéger le micro du vent trop fort, nous avions envie de rire aux éclats comme des enfants inadaptés au monde des « grands ».