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Giorgio Passerone

9. Nuée intempestive. La stratigraphie des six courbes panoramiques de l’Hespérie étrusque du Genou est fendue par ce climat (il en est ainsi de toutes les autres dérives italiennes des Straubs : le mont Velino, le Sinai du désert invincible et sans nom – Moise et Aaron –, les carrières des massacres nazis des Apuane – Fortini/Cani –, les campagnes françaises et égyptiennes des révoltes sans Histoire –Trop tôt trop tard –… et cela jusqu’à la répétition de deux panoramiques évidés qui parcourent le périmètre interdit de la centrale Edf à Clichy-sous-Bois – Cinétract, Europe 2005-27 octobre – pour se fixer dans le plan de l’arbre en fleur devant le transformateur où Bouna et Zyed ont brûlé vifs, « chambre à gaz, chaise électrique », « si vous en pleurez encore… »)

 

Même l’arrêt sur l’image de la stèle funéraire qui précède le générique de fin, à nouveau au noir, envahi par la voix d’alto masculine et la basse continuedes harmoniques graves du Klaglied SWV 501 d’Heinrich Schütz – (« il perdit sa femme, qui était très jeune », dit J.-M. S.) ne dissout pas la plainte dans le deuil d’un destin personnel privé45 Quelle histoire commémore, en effet, cette stèle de pierre qui se dresse au milieu du dernier horizon d’Artémide? Un obscur événement de la lutte partisane que la commémoration de la Résistance ne pourra pas récupérer : l’exécution de quelques jeunes rescapés, des enfants sauvages pris entre les deux camps, petits délateurs eux-mêmes trahis. 

 

Nous repensons à certains mots d’un poème de Pavese « « tu ne sais les collines / où le sang a coulé /Nous avons tous fui, / nous avons tout jetés / nos armes et notre noms »46 et à son constat impitoyable « toute guerre est une guerre civile », mais nous n’y lisons plus aucun existentialisme résigné. Nous revoyons le couchant qui empourpre la ligne de crête des collines des Langhe, à la fin de De la nuée à la résistance.

 

Nuto, le menuisier-musicien, vient de raconter au bâtard, son ami d’enfance de retour d’Amérique, la justesse et la violence des combats partisans, les sorts tragiques de Baracca (« impiccato, pendu ! »), et de Santa, la jeune sorcière révoltée (« ils voulaient que je baise la main qui me donne une gifle, mais moi je la mords la main qui me donne une gifle ») ; traîtresse et trahie, elle aussi a été tuée, puis brûlée dans le près d’herbes et d’acacias.