Et il n’y a pas de réponse face à la vision de ces questions : « ‘sono loro queste cose. In questi occhi c’è la bacca e la belva, c’è l’urlo, la morte, l’impietramento crudele’… »17. On s’égare dans les répétitions intensives, d’ensemble, hors de leur détermination universelle, intemporelle, hors de toute possession, hors de nos savoirs acquis et assurés – le manque, l’angoisse, l’Archétype18. Sur ce plan-CsO quelqu’un n’est jamais une personne mais une heccéité parmi tout le monde (« molte cose in una »). Là, on ne cesse pas de vivre, « voyageurs inconnus et étrangers », comme on ne cesse pas et on n’en finit pas de mourir. Sans notre mémoire, dans la contemporanéité « géologique » de l’enfant, de la mère, de l’analphabète, du paysan et du « compagno uomo » – l’homme économique que nous sommes – on devient autre chose que la forme mortelle (« quando salgo sul Latmo non sono più mortale ») : et si l’on devient-bête sauvage, l’on devient-ciel, et terre, et nature, c’est qu’en menant l’expérience impersonnelle et quotidienne de la mort (on meurt), on investit l’intensité matérielle-Zéro, on convertit son modèle dans la réalité de ces devenirs-là. Et l’on expérimente dans une acceptation définitive, que le modèle et l’expérience ne cessent de se relayer, et que c’est ça halluciner la mort. Car, de fait, seule la personne « cesse enfin de mourir dans la réalité d’un dernier instant qui la fixe tout en défaisant l’intensité, la ramenant au Zéro qu’elle enveloppe » – et c’est ainsi que le Mythe isole le Modèle en y asseyant son pouvoir mortel, le mystère cosmique et tragique du destin de l’Homme (Ulysse–personne) – mais non sans que « ce retour à la répulsion ne conditionne d’autres attractions »19: je est toujours un autre, l’heccéite-on.
Le Genou d’Artémide impose le silence : « la roche ne se touche pas en paroles »20. Et pourtant les Straubs n’ont toujours filmé que la matérialité de ces blocs de mots et de pierre, sans aucune concession à l’ineffable de la théologie négative, pour que nous aussi arrivions à y matérialiser ces sensations : « les devenirs non humains de l’homme – affects – et les paysages non humains de la nature – percepts » (Deleuze). À l’encontre de la prétention risible de l’homme à se considérer comme le centre du cosmos (J.-M. S), au-delà du silence, la sensation-CsO-Artémide nous fait penser à la dernière affirmation de la langue étrangère de Pavese : « il tuo sonno / è infinito di voci e di grida, / e di terra, di cielo, di giorni. / Dormilo con coraggio : / non avete altro bene. / La solitudine selvaggia è tua. Amala / come lei l’ama »21. Ewig.