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Giorgio Passerone

La composition des plans (un plan) module le voisinage-décalage entre ce territoire-là et « la chose innommable, la nature intouchable, la Bête sauvage » : de l’un à l’autre, la zone d’une puissante violence contingente propage la pulsation non préexistante de la Terre qui se dérobe au déterminatif du modèle – La Belva – hors du temps et de l’espace de Pavese. L’inexprimé de la cadence percutante de son non-style se concrétise également dans les séquences où la détermination semblerait primer – « so il sangue sparso, / la carne dilaniata, / la terra vorace, la solitudine. / Per lei, / la selvaggia, / è solitudine. / Per lei la belva è solitudine »12 car l’itération substantivée en sursaut, par cassure intérieure du phrasé, dégage dans la voix l’image rauque en elle-même, une solitude-femme dévorante, sans figures.

Et si « le bloc » diffuse le suspens de la douleur mortelle, il ne s’agit surtout plus du soi-disant masochisme littéraire de Pavese13. La continuité d’une intense matière corpusculaire – les gradients, les seuils des sons, des voix, des lumières-couleurs – et elle seule, répand maintenant les ondes d’une douleur productive, et même une sensation d’autodestruction (« … essere … / carne nella bocca del suo cane »)14 qui ne se confond pas avec la « pulsion de mort », puisque son processus, comme dans Les Muses et partout ailleurs chez les Straubs, sert ici, et d’une manière encore plus irrévocable, à défaire les pouvoirs de la stratification – l’organisme, la signifiance, la subjectivation. Dès lors, même un commandement se dérobe à la sentence de mort qui anéantit, car nous sommes devenus impassibles, capables d’extraire du mot d’ordre, la promesse déjà là d’une composante de passage à l’infini.

 

6. Corps sans organes. Le sommeil sans rêve d’Endymion (« tu non dovrai / svegliarti mai, ricorda »15) est un sommeil où l’on ne dort plus, l’insomnie du rêve de la nuit qui produit l’éclair d’une ivresse vigilante et lucide, à midi. Le plan immobile décadre le mouvement de cette réalité hallucinatoire jusqu’à son hors-champ mental inhérent. On est sur un Corps sans Organes.La synesthésie de quelques phrases dans la verdeur du sous-bois continue à retentir acérée dans notre tête : « Qualcuno ti è morto ? » « Non qualcuno. / Straniero, quando salgo sul Latmo / non sono più mortale ». « Chi doveva venire ? » « Non ha nome. / O ne ha molti. (…) Hai mai conosciuto / persona che fosse molte cose in una, / le portasse con sé, / che ogni suo gesto, / ogni pensiero che tu fai di lei / racchiudesse infinite cose / della tua terra e del tuo cielo, / e parole, ricordi, / giorni andati che non saprai mai, / giorni futuri, / certezze, / e un’altra terra / e un altro cielo / che non ti è dato possedere ? »16