C'est bien le cas avec les films romains des Straub, dont il prendra des éléments, en les mélangeant avec d'autres et en les convertissant à ses propres recherches. Symptomatique de cette posture est une déclaration curieuse de Rocha dans la présentation du Lion à sept têtes lors de sa sortie européenne en 1970 ou 1971, en ramenant Othon au tiers-monde28 : "Pour moi, Homère appartient plus au tiers-monde qu'à l'Europe. Pour moi, la direction d'Othon par Straub et Danièle Huillet appartient plus au tiers-monde que la réalisation de Terre en Transe"29.
Comme dans Othon de Corneille en 1664 et dans Les Yeux / Othon des Straub en 1969, il s'agira dans Claro d'une méditation sur Rome et l'Empire Romain par un observateur étranger. A la différence de la pièce de Corneille et du film des Straub, pourtant, le film de Rocha ne sera pas le fruit d'un long effort de maturation et préparation. Avec Cancer et Di Cavalcanti (1977), Claro (35mm, coul., 107') est le film le moins préparé de Rocha. Sa réalisation n'aura pas dépassé, en tout et pour tout, deux mois et demi de 1975. Tourné à Rome en 15 jours, du 30 avril au 15 mai, il a été monté dans la foulée en juin-juillet pour être projeté au Festival de Taormina en juillet, avant de sortir à Rome en octobre 1975. Il a été improvisé par Rocha, sa compagne Juliet Berto et une poignée d'amis, en caméra portée et son direct, sans scénario préalable, dans les rues, les places et quelques intérieurs de Rome (auxquels on a rajouté une séquence de 10 minutes tournée sur une plage italienne). Rocha le caractérise comme "un film sur Rome, un voyage, une promenade audiovisuelle à Rome, très décontractée, sans aucune intention prédéterminée, un film plus proche du journalisme que de la poésie ou de la fiction"30.
Hétérogène dans son flux, le film conjugue deux séries parallèles de scènes : 1) celles tournées dans des espaces publiques de Rome, tendant au documentaire ou au happening dans l'interaction avec les gens de la rue et les signes (ou les ruines) de l'Empire Romain ; 2) celles en intérieurs ou en espaces privés, esquissant une fiction aux allures de psychodrame autour de personnages emblématiques de la décadence du capitalisme, joués par des acteurs à la limite de l'hystérie. Les deux séries occupent presque le même temps du film, celle des intérieurs étant un peu plus présente, et les deux s'articulant par alternance. A cheval entre les deux séries, il y a des scènes de Rocha et Berto seuls, entre amis dans des appartements ou se promenant dans les rues de Rome, dans des comices, fêtes religieuses, et même dans un bidonville. Dans les monologues