23 « L’article indéfini est le conducteur du désir. Il ne s’agit pas du tout d’un corps morcelé, éclaté, (fétichisé) ou d’organes sans corps. Le CsO est tout le contraire. Il n’ y a pas du tout organes morcelés par rapport à une unité perdue ni retour à l’indifférencié (le Mythe). Il y a distribution intensive d’organes, avec leurs articles positifs indéfinis, au sein d’un collectif ou d’une multiplicité, dans l’agencement de ses connexions opérant sur un CsO. » G. Deleuze-F. Guattari, Mille Plateaux, Minuit, 1980, « Comment se faire un corps sans organes ? » p. 203. (Les parenthèses sont nôtres). Nous concevons ainsi l’agencement Pavese-Straub (personnages, acteurs et toute l’équipe) du Genou d’Artémide.Cette définition ultérieure du CsO nous paraît ici essentielle : « Le CsO c’est l’œuf. L’œuf est le milieu d’intensité pure, l’Intensité Zéro comme critère de production. Il y a une convergence fondamentale de la science et du mythe, de l’embryologie et de la mythologie, de l’œuf biologique et de l’œuf psychique ou cosmique : l’œuf désigne toujours cette réalité intensive, non pas indifférenciée, mais où les choses, les organes, se distinguent uniquement par des gradients, des migrations, des zones de voisinage » (ibid.). L’oralité de cette mythologie « démyhtologisée » du culte de l’origine innerve la science-fiction des Straubs, d’Hölderlin à Pavese.
24 « ‘Tu ne connais pas / l’histoire du berger lacéré par les chiens, l’indiscret, l’homme-cerf ?’ ‘O étranger, je sais tout d’elle’ ».
25 Giordano Bruno a été évoqué directement par les Straubs une fois, pendant la deuxième des promenades de Leçons d’histoire lorsque le jeune homme qui enquête sur les affaires de Jules César, traverse en voiture Campo de’ Fiori. On n’aperçoit pas la statue noire de Bruno : elle est le spectre de la mémoire verticale des couches du passé de Rome qui se cabre contre toute l’histoire des fortunes dictatoriales et impériales. La fureur brunienne hante la force du dernier plan du film : l’image visuelle de la fontaine de la Via Giulia, le visage de la femme en pierre qui crache de l’eau, et l’image sonore du chœur de Bach (BWV 244) : « Ouvre l’abîme enflammé, ô enfer : / ruine, détériore, engloutis, brise, / avec une fureur soudaine / le faux traître, le sang meurtrier ».