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Giorgio Passerone

20 C’est Tirésias l’aveugle (Ennio Lauricella), homme et femme à la fois, qui le dit en répondant aux interrogations ingénues d’Œdipe (Walter Pardini), qui veut croire, aveugle avant de l’être, aux impénétrables enseignements divins dans l’un des plus vertigineux plan-séquences des Straubs, fissuré par des coupes au noir (De la nuée, Troisième Dialogue). Ils avancent, filmés de dos, sur une charrue tirée par un paysan à laquelle sont attelés deux bœufs. L’image de leur voix trébuche au rythme du chemin sans fin qui traverse les moissons ensoleillées de la campagne – le grincement pierreux des roues, les variations de la lumière de l’après midi. On saisit la destinée des hommes, les créateurs malheureux des dieux qui les aliènent et les dépossèdent de leur monde, et ce qui lui résiste, l’immanence des forces élémentaires du mythe : devenir-sexe, -femme, -roche.

21 « Ton sommeil est infini de voix et de cris, et de terre, de ciel, de jours. Dors-le avec courage : vous n’avez pas d’autre bien. La solitude sauvage est tienne. Aime-la comme elle l’aime. »

22 Nous suivons ici librement certaines thèses de la psycho-linguistique de Gustave Guillaume. Chaque élément variable de la langue parcourt selon Guillaume un mouvement de pensée déterminable. On en extraira la ligne de particularisation-généralisation, le signifié de puissance de l’article : la variable de l’indéfini « un » avec ses différentes coupes (signifiés d’effet) de particularisation ; la variable du défini « le » avec ses différentes coupes de généralisation spatiale ; et la ligne d’incidence-décadence des verbes, avec leurs différentes positions d’actualisation (de l’incidence-décadence la moins actualisée, le mode infinitif – « devenir » –, à leur actualisation la plus représentative, l’indicatif présent, la première personne du verbe être – « je suis »). C’est en ce sens, que nous dégageons de la théorie du signifié de puissance de Guillaume (bloc d’espace-temps) une pragmatique de l’événement comme dehors ou limite du langage qui interagit avec les blocs d’espace-temps du cinéma (et de la musique) selon le chaînon tenseur un-(on)-devenir.